Toute une nouvelle littérature sur le Luxe fleurit depuis quelques années, des tables rondes, séminaires et autres formations se multiplient sur le sujet. Comment expliquer ce nouvel engouement pour le Luxe ?
Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un simple engouement. Bien que le Luxe soit horriblement à la mode, ce n’est surtout pas une mode. Il me semble que nous assistons là à un phénomène plus profond et durable. Le Luxe comme il s’impose aujourd’hui croise toutes les grandes mutations du moment.
Il questionne en surplomb et engage à la fois, beaucoup d’autres champs fondamentaux : la sociologie, l’art, la culture, la politique, l’éthique, l’environnement, la psychanalyse…En cela, il est symptomatique de quelque chose qui nous concerne essentiellement : notre rapport au Désir et au Temps. D’une certaine manière, la culture postmoderne travaille à la légitimation du Luxe.
Réinterprétation de tout ce qui est dans l’ère du temps, le Luxe n’est pas qu’un simple hobby de collectionneurs, c’est bien plus une caisse de résonnance de l’époque. Le Luxe touche à la nature de l’humain. C’est en cela qu’il concerne et intéresse tout le monde inconsciemment au-delà d’un engouement. Comme naissait dans les années 70 une « Culture Pub », se met en place aujourd’hui une « Culture Luxe ».
Son enjeu stratégique majeur résidera dans sa capacité à arbitrer entre ses valeurs propres et celles, ultra mouvantes, dans lequel il évolue. Mon hypothèse est que cet « intérêt », à tous les sens du terme est construit sur la dimension schizophrénique du Luxe actuel. Cette particularité intrigue et excite à la fois ; on ne sait par quel bout la prendre et la comprendre tant la « division de la personnalité » est grande. Le Luxe oscille entre luxure et vertu, artisanat et technologie, universalité et localité, matérialisation et dématérialisation, intemporalité et instantanéité, flambe et austérité… ses contradictions sont illimitées et jettent le trouble, ses paradoxes fascinent.
Mais cette faille est dynamique et constructive. Malheureusement, personne n’a aujourd’hui le courage de prendre cette « grande complication » à bras le corps. On esquive. On ne fait que fantasmer la question du Luxe, l’aplatir, la dégonfler. Tout le monde y a des « intérêts ». Et quelle manne financière et économique inépuisable qui nourrit énormément de monde. Voyez par exemple combien semble dérisoire de tenter de la réduire à son articulation avec le Digital. L’effervescence hystérique qui se joue autour de la transformation digitale du Luxe est curieuse, et me fait penser à ce vieil adage chinois qui semble plus que jamais d’actualité : « Quand le sage montre la lune, le sot regarde le doigt ».
Le concept « Luxe » et ses champs d’application ne sont-ils pas finalement un peu galvaudés ?
Non, ils sont fatigués. Ce mot à la magie lustrée, mis à toutes les sauces, qui voudrait tellement tout dire et qui ne dit tellement plus rien ; ce faux ami qui s’y prend mal aujourd’hui, trop brutalement, avec ce besoin légitime qui existera toujours en chacun de nous de vouloir se soustraire à l’inconsistance de l’éphémère ; de résister au flux et à l’usure, à l’obsolescence, afin de mettre de l’épaisseur dans nos vies. Juste exister et se singulariser. La mécanique Luxe en a sacrément profité et en profite encore. Mais les manières ne sont plus les bonnes. Le Luxe est aussi une affaire de « bonnes manières ».
Entre bon goût et vulgarité, entre sensibilité et show off, entre discrétion et égo surdimensionné, la frontière est devenue ténue, poreuse, et les marketeurs du désir et les décoratrices de « l’expérience unique », cultivent un flou artistique qui les arrange bien, et fait leurs affaires.
J’ai de plus le sentiment que comme en politique cela fonctionne aussi sur des éléments de langage. Une novlangue est née autour du Luxe contaminée par le gloubiboulga numérique. On n’échange plus seulement de grosses sommes d’argent contre de beaux objets, mais des discours sur le Luxe dans une cacophonie bruyante. ADN, partage, transparence, co-création, expérientiel et aspirationnel, réalité virtuelle ou augmentée, followers… Qui cela fait-il rêver aujourd’hui ?
C’est cela, l’imposture, qui est devenue pesante et idiote. La réalité, elle, est beaucoup plus riche et sophistiquée. Donc, oui il y a une énorme déperdition et beaucoup de brouillard sur ce concept de Luxe. Ce qui malheureusement n’aide en rien les marques du secteur à faire des choix et à définir leurs stratégies propres. Et ce qui amplifie enfin votre sentiment d’un Luxe galvaudé, c’est que le marketing, l’imaginaire et la grammaire du Luxe sont devenus quasiment un business model utilisé par tous les secteurs de la consommation et du marketing ; de la banque et des assurances au pharmaceutique, de l’industrie automobile à l’alimentaire, de la beauté à la santé, du tourisme à l’habillement… en passant par le petfood et les lessives même. « Ça fait » Luxe, donc ce n’est pas rien !
Entre bon goût et vulgarité, entre sensibilité et show off, entre discrétion et égo surdimensionné, la frontière est devenue ténue, poreuse, et les marketeurs du désir et les décoratrices de « l’expérience unique », cultivent un flou artistique qui les arrange bien, et fait leurs affaires.
Immédiatement identifiables, les codes, les stratégies et les communications du Luxe aujourd’hui, servent de guideline au premier degré à tous ces secteurs, leur garantissant à coups sûrs : un imaginaire et une identité de marque lisibles, un système de valeurs qui vous positionne d’emblée et vous attribue d’office les qualités qui lui sont par convention inhérentes : rareté, raffinement, qualité, savoir-faire, statut de consommateur gratifiant, prix à la hauteur de l’estime de soi, des valeurs sociales, symboliques et culturelles qui me différencient…, ainsi de suite. Mais ce transfert de compétences, souvent réussi, banalise néanmoins, galvaude, beaucoup l’idée du Luxe. La paupérise.
Concrètement, qu’est-ce qu’enseigner le Luxe ?
Pour faire simple et synthétique. Le Luxe est essentiellement une pièce à deux faces. Une face rationnelle, logique, concrète, objective, réelle…et une face immatérielle, irraisonnable et instinctive, inconstante. L’une ne va pas sans l’autre. Ce sont les deux faces de la même pièce. L’enseignement du Luxe comme il est pensé et dispensé aujourd’hui ne met souvent en lumière qu’une face ; la plus immédiate, gérable, appropriable et communicable, celle des savoir-faire, des techniques et des grandes exemplarités. L’enseignement du Luxe comme je tente de le mettre en pratique depuis plus d’une dizaine d’années essaye d’éclairer aussi l’autre face, la plus volatile et protéiforme, celle de la culture, du hasard, du goût et du style, de l’analyse et de la réflexion. Celle d’un mot devenu étrange et honteux presque : la culture. Ces deux faces ne luttent jamais l’une contre l’autre. Elles complètent et se nourrissent mutuellement. Car c’est ce tout qui fait la magie et la difficulté du concept Luxe et de son enseignement.
Il me semble qu’il y a trois strates nécessaires qui devraient structurer tout enseignement du Luxe en particulier. Une strate très circonscrite aux techniques et pratiques concrètes des métiers de base du Luxe (de la gestion du produit à l’optimisation de la distribution en passant par la gestion physique de la marque, la vente, le merchandising et de plus en plus autour de la sphère digitale). Une seconde strate de savoirs fondamentaux absolument essentiels et incontournables si l’on veut « agir » sur tout le reste : le marketing de base, la gestion, la comptabilité, le management et le droit et la culture des marques. Et une troisième strate, pour moi toute aussi essentielle et unique pour s’approprier l’intégralité des valeurs et enjeux du Luxe, de culture générale à spectre large, artistique, des styles, des goûts, des philosophies des sciences humaines et de la sociologie… il faut inventer des Humanités du Luxe, que les futurs stratèges et responsables du secteur Luxe « fassent leurs humanités » en complément des deux strates préalables. Seule condition pour s’ouvrir au monde, lever la tête de son écran, et construire une vision. C’est à dire que notre enseignement doit donner les moyens de penser stratégique et plus seulement tactique, pérenne et non seulement éphémère… Et dieu sait si ce secteur a besoin de s’inscrire dans son Histoire plutôt que de s’en raconter, d’une vision plutôt que d’avoir des visions chaque semestre. Pour la petite histoire et c’est un signal fort, les grands groupes du Luxe qui ont déjà justement sur cette maquette pédagogique, fondé leurs propres écoles, sont toutes, absolument toutes (LVMH, Kering, Richemont…) associées à des grandes écoles de commerce (HEC, ESSEC, IMD, L’Instituto de Empresa de Madrid, la Bocconi à Milan, la London School of Economics, London Business School..) et ils savent de quoi ils parlent.
Pour conclure et comme de manière inquiétante, il y a beaucoup de candidats et peu d’élus dans les professions du Luxe, j’aimerais enfin mettre l’accent sur l’extrême importance pour nos étudiants des « prérequis ». C’est à dire de faciliter l’orientation, l’accompagnement pour la meilleure filière. Les « prérequis » ne sont pas des sanctions, mais c’est définir réellement des attendus minimaux, ce qui est utile ou pas, dans une filière de qualification. C’est une information supplémentaire pour donner plus de transparence pour ne pas s’engager dans une filière lorsque l’on n’a objectivement pas les fondamentaux qui permettent d’y réussir. Il faut dire aux gens que dans certaines filières aujourd’hui, plus de la moitié des jeunes qui s’y inscrivent vont abandonner au bout de la première année. Pour ces maquettes pédagogiques et leurs prérequis il est bon d’impliquer et consulter le plus tôt possible et en amont les représentants des secteurs et des marchés, dans les programmes. Cela est très important et fait complètement partie de l’enseignement du Luxe.
Enseigner le « Luxe » doit-il également revenir à apprendre à « vendre mieux et vendre plus » ?
Non. Enseigner le « Luxe » doit apprendre à tout mettre en œuvre, à créer les meilleures conditions pour faciliter le « vendre plus et mieux ». C’est une évidence que nos étudiants doivent toujours intégrer. Mais soyons clairs, la finalité suprême de ce secteur, comme de tous les autres, c’est de vendre des produits. C’est le but de tout ce jeu et de sa précieuse mise en scène. C’est du commerce au sens premier du terme. Pas une religion, un courant philosophique, ni un parti politique. Encore que, même là un échange, un troc symbolique peut avoir lieu, aussi.
Nous essayons du mieux possible de bien maîtriser le point A de départ (la marque), nous essayons à l’autre extrême de bien définir le point B d’arrivée (le client dit consommateur). Et nous, nous travaillons sur l’espace entre, le parcours entre A et B pour que l’élément C (le produit) puisse arriver impeccable et à coup sûr à destination. C’est notre espace de travail et notre champ de compétence. Alors si le travail est bien fait cela peut bien sûr contribuer à augmenter les ventes et améliorer les conditions de ces ventes.
Cependant le « marketing du Luxe » est aujourd’hui en pleine crise de foi. Donc son enseignement aussi : comment séduire tout le monde en restant rare ? Comment redevenir unique quand on a conquis la majorité des acheteurs… ? Pris au cœur de paradoxes d’une infinie complexité, les chefs de Maisons de Luxe et leur cohorte de consultants ont de quoi perdre leur latin. Au cœur de cette quête d’une nouvelle identité et de légitimité forte, voilà apparaître « un marketing aspirationnel» qui donne des sueurs froides aux hommes des chiffres, «ces proctériens et unileveriens » dont la dictature me semble s’achever.
Car ce qui est bien devenu un phénomène de consommation de masse et prisé par la masse, exige de leur part un exercice de haute voltige qui s’apparente à la plus subtile des dialectiques : répondre à une demande non exprimée, voire non exprimable, tel est le nouveau sens, le nouveau challenge. À la fois lieu de création et de mémoire, les exigences de ce « new-Luxe », sont par leur nature mêmes opposées.
Ne pas se laisser enfermer dans une spirale du transitoire et une logique de l’éphémère, surprendre et étonner en permanence, sur le plan émotionnel surtout, tout en respectant l’identité de la marque, son histoire, son passif, son intégrité et ses valeurs…là est la question et la prouesse ! En revenant, autant que faire se peut aux fondamentaux, qui sont la colonne vertébrale des grandes Maisons : une vision, des partis pris et beaucoup de caractère et de liberté ; pour imposer une vraie valeur ajoutée, presque spirituelle ou qui a du moins de l’esprit.
Cependant le «marketing du luxe» est aujourd’hui en pleine crise de foi. Donc son enseignement aussi : comment séduire tout le monde en restant rare ? Comment redevenir unique quand on a conquis la majorité des acheteurs…?
Car le Luxe, c’est beaucoup de la culture. Un certain goût pour le savoir. Un savoir-être. Les grandes fortunes françaises qui ont couru au secours de Notre-Dame ne s’y trompent pas. Ils savent en grands croyants qu’ils sont tous, qu’il faut une sève Culture pour incarner le Luxe. Des rites pour cette religion éternelle avec ses clercs, ses grades, ses dignitaires. C’est une croyance et une religion que les Papes du Luxe ont comprises avant et mieux que quiconque. Cette flèche qui s’écroule, c’est avant tout un morceau de temps incandescent qui disparait, plongeant chacun dans la stupeur et la tristesse. Temps, mémoire et histoire : objets de Luxe suprêmes car uniques et réductibles à rien d’autre qu’à notre être.
Cela ne veut surtout pas dire oublier le volume, la demande, mais prendre une petite longueur d’avance en sachant exprimer et combler ce qui est latent. Existentiel quand on s’adresse à la niche (4%) des « ultra plus riches » qui aspirent avant tout à désirer le désir. Tout ceci, évidemment, bouleverse la donne en termes de stratégie de conquête des groupes et les contraint à un nouvel exercice d’humilité : « Le devoir d’incertitude ». De tout cela qui est le contenu même, l’esprit de nos programmes, nous souhaiterions donner la conscience et le goût à nos étudiants
Depuis quelques années, les marques de Luxe aiment communiquer sur l’accessibilité de leurs produits. Selon vous le Luxe est-il et doit-il être fondamentalement accessible ?
Pour moi, c’est une tentation aussi hypocrite que dangereuse. Née dans les années 90 quand le Luxe européen se déployait et se démocratisait pour toucher des cibles plus larges et diversifiées et devenir une industrie ; rompant ainsi avec des valeurs de sélectivité et d’exclusivité. Épine dorsale du Luxe.
Là encore la schizophrénie apparaît : il fallait toucher (vendre) au plus grand nombre et être « accessible » … tout en continuant à projeter un idéal exclusif et inaccessible pour réalimenter le désir et afin aussi de toujours créer de « l’écart » avec les marques mass : vous imaginez la folie ? le cirque ?
Les valeurs propagées aujourd’hui, celles que partagent les nouvelles générations issues de la mondialisation et de la digitalisation, sont profondément empreintes des valeurs purement technologiques : instantanéité, transparence, partage, horizontalité, proximité, duplication…Or le Luxe est, pour moi, par essence totalement à l’opposé de ces valeurs-là. Il est vertical et autoritaire alors que notre civilisation prône « le pouvoir des autres », ce système merveilleux où l’on vous consulte et vous like à tout bout de champ dans un partage compulsif. Il s’inscrit dans le temps long, alors que nous vivons dans l’ère de l’immanence (via les technologies). Il est du côté de l’exception, de l’œuvre unique, alors que nous vivons la série, la production industrielle, le tout wharolisé. Enfin et surtout, il est intrinsèquement porteur d’un « écart », alors que nous célébrons la proximité. En résumé, je pense irresponsable ce fantasme d’accessibilité qui vient créer de grandes tensions et érode la désirabilité. Moteur de tout Luxe. Le Luxe ne peut résoudre ses dialectiques par des consensus, en adoptant des postures à mi-chemin entre des pôles si extrêmes parce qu’il est par lui-même extrême.
Quid du Digital, sur lequel toutes les marques ont décidé (à tort ou à raison) de se mettre à la page, notamment pour séduire les générations plus jeunes à l’instar des Millenials ?
Je ne comprends pas cette fixette sur le Digital particulièrement lorsqu’on évoque le Luxe. Ce n’est pas un sujet. Certainement pas LE sujet. Et la question du devenir de ce secteur n’est pas là et réduite à ça. Il n’y a ni à le sacraliser ni à le diaboliser. C’est pour moi un dialogue de sourds. La réalité est plus simple, mais plus profonde. C’est un outil formidable, efficace, utile et précis dans une caisse à outils du marketing et de la communication qui en contient d’autres. C’est un moyen, pas une finalité.
Face à un marché du Luxe mature et stable, le digital se veut le relais de croissance tant espéré qui pourrait « à la fois » ancrer cette industrie dans l’ère de la consommation digitale et ouvrir un nouvel horizon fondé sur l’identité de la marque, son patrimoine, son savoir-faire et son histoire. Dans cette ambivalence terrible, on nous promet un Luxe connecté entre croissance de valeur et préservation des actifs. Je pense que cela n’est pas correct. Car le vrai sujet n’est pas la digitalisation du Luxe, mais bien plutôt sa compatibilité, sa solubilité avec la Technologie plus globalement.
L’évolution technologique et son accélération bouleversent indéniablement les business modèles et redistribuent les cartes. Neuf des dix premières capitalisations boursières mondiales, il y a dix ans sont sorties du Top 10 aujourd’hui. Plus concrètement, toutes les entreprises établies ont tout simplement … peur de mourir. Les entreprises du Luxe peut être encore plus que les autres. Car elles ont longtemps vécu confortablement et vivent encore très bien.
Pour ces entreprises qui doutent, la technologie leur apparaît à la fois comme l’origine du mal et la planche de salut. La Transformation Numérique est devenue le leitmotiv de tout Comex, de tout colloque, de tout raisonnement. Chaque semestre s’ouvre un nouveau front : Big Data, IoT, Machine Learning, Deep Learning, Infinite Comuting, … Et maintenant … l’IA (Intelligence Artificiel) avec son cortège de fantasmes anthropologiques.
Parenthèse, en passant : l’IA n’est juste qu’un programme informatique (IA Faible). Rien d’autre. Un programme qui, pour l’essentiel, consiste à mouliner des statistiques à grande vitesse. Point. Le dernier lapin sorti du chapeau, le concept d’IA Forte (conscience du raisonnement, singularité.) est de la science-fiction. On oublie que la limite de l’accélération de la technologie, c’est et sera tout simplement l’homme. L’humain va créer des freins et imposer des limites.
Revenons à la peur de mourir des entreprises du Luxe. La question est : comment gère-t-on la panique en tant que marque / entreprise ? Comment décide-t-on de son avenir, en mode panique, quand sa survie est en jeu et que les containers du Port Franc regorgent de montres ? La question, pour moi n’est plus la technologie. Mais alors pas du tout ! La question, c’est la gouvernance, gouvernance du changement (encore un mot valise tant pis). La gouvernance doit concilier deux réalités : l’hyper-agilité et l’hyper-stabilité concomitamment. L’un sans l’autre, c’est le pronostic vital engagé, la crise cardiaque ou l’asphyxie. L’agilité, l’audace, ces entreprises peuvent se débrouiller pour en trouver. Pas de problème. Mais hyper-stabilité ? Quels sont les uns, deux, trois fondamentaux auxquels on décide de s’accrocher dans la tempête ?
Le problème profond des marques de luxe depuis quelques années est un problème humain, pas technologique. Un problème d’identité et de différence. Un problème de finalité et pas de moyens. Un problème de quoi dire ? et non de comment dire ? de sens et non de tuyauterie…
Souvent, une philosophie et une histoire, une identité, une vision et des convictions surtout… Et on n’a pas beaucoup de temps pour décider quels sont ses fondamentaux.
La question n’est pas « quels sont les bons ? » (trois années de consulting a minima), mais « quels sont ceux auxquels on croit ? » (une demi-journée.) C’est une question de « foi ». La foi est puissante et intrinsèquement légitime.
Le problème profond des marques de Luxe depuis quelques années est un problème humain, pas technologique. Un problème d’identité et de différence. Un problème de finalité et pas de moyens. Un problème de quoi dire ? et non de comment dire ? de sens et non de tuyauterie… Tant que l’on n’acceptera pas cela – et je sais sincèrement que c’est terriblement compliqué et délicat au sein des états major de faire vraiment ce choix de positionnement de leur marque, ce choix délicat de renoncement à la fois, de parti pris et de prise de risque, on continuera à prendre des vessies pour des lanternes et la digitalisation comme un positionnement de marque possible. On en est là aujourd’hui. Comme ce travail de fond, d’identité, n’est pas fait complétement on essaye tous azimuts de colmater les identités de marques avec des thématiques à l’œuvre aujourd’hui : Luxe et digital, Luxe et développement durable, Luxe et innovations, Luxe et intelligence artificiel…Luxe et la culture du manioc en Amérique Centrale. Pour finir de répondre à votre question, oui c’est à la fois pratique et tout à fait normal d’aller à la rencontre des tribus de Jeunes X, Y ou Z ou de la culture Rap en ayant appris leur langue. C’est la moindre des choses. Après comprendre et partager leur culture sans broncher, comme si « de rien n’était » …on peut se payer le Luxe d’en penser quelque chose.