Gihane Zakhya
Créatrice des programmes Bachelor Haute Joaillerie
Deux ou 3 expériences fortes de votre parcours professionnel ?
J’ai eu la chance de rejoindre l’équipe Dior Joaillerie en janvier 2000, très peu de temps après la création de la business unit et le lancement de la première collection de Haute Joaillerie (mai 1999).
Il y avait tout à faire et nous étions 5 autour de Victoire de Castellane, la Directrice Artistique du premier département Joaillerie de Dior !
Cette aventure a été passionnante à plus d’un titre.
Tout d’abord, une rencontre avec des professionnels tous très investis de cette envie de faire de Dior joaillerie un succès. Nous avons travaillé avec Victoire de Castellane, les membres du comité de direction, mon équipe de chefs de produits, pendant presque 20 ans, à faire ce que Dior Joaillerie est devenu !
En clair, une aventure humaine avec des professionnels de la Joaillerie, les meilleurs ateliers de la Place Vendôme, des lapidaires ou encore des glypticiens. Ils ont tous été de vrais partenaires, pas seulement des fournisseurs.
Ensuite, une aventure entrepreneuriale.
En effet, il a fallu construire une marque, une collection, une image mais avec l’avantage évident de pouvoir s’appuyer sur la puissance de la maison Dior.
C’est d’ailleurs dans les archives de la maison de Couture que Victoire de Castellane a puisé toutes ses inspirations.
Nous avons travaillé sur les codes de Dior et l’univers créatif de Victoire afin de créer l’image de la joaillerie Dior. D’une page quasi blanche, il a fallu raconter des histoires, des inspirations afin de construire un imaginaire autour de nos collections de Joaillerie et surtout une légitimité.
Enfin, cette aventure a été pour moi une occasion d’apprendre mon métier ! De grandir en même temps que la structure. D’assistante chef de produit à Directrice Marketing et Directrice de Collection, j’ai eu la chance d’évoluer étape par étape et surtout de recruter et de former mon équipe sans laquelle rien n’aurait été possible.
Parmi mes fiertés chez Dior : avoir constitué une équipe restée fidèle longtemps et avoir posé les bases d’un travail en équipe et dans la bienveillance.
Avoir contribué au succès de la marque en créant des collections devenues iconiques, telles que Mimioui, Rose des Vents et Oui pour ne citer qu’elles.
Avoir réussi à imposer la Haute Joaillerie Dior comme acteur incontournable de la Place Vendôme avec des pièces uniques fabriquées dans les meilleurs ateliers parisiens et avec la plus grande exigence de qualité.
Depuis que j’ai quitté Dior, je me suis consacrée à mon diplôme de Gemmologie que je n’ai jamais pu préparer pendant mes années Dior. J’ai appris énormément sur les pierres précieuses. C’est un diplôme scientifique et très technique loin de l’univers plus « clinquant » du Luxe mais j’ai trouvé cela passionnant.
Diriez-vous aujourd’hui que le secteur de la Haute Joaillerie est un secteur à forts particularismes ? Quel serait pour vous sa différence ? Sa spécificité ?
Le secteur de la joaillerie est pour moi avant tout un secteur de passionnés. Où le sens de l’esthétique est indispensable.
Pour vous en donner une idée, lorsque je recrutais un chef de produit il était plus important pour moi de m’assurer de sa sensibilité produits et de son sens esthétique que de savoir qu’il (ou elle) avait fait telle ou telle école.
C’est un secteur où les collections sont pérennes et créées pour durer une vie. Ce sont des produits à cycle long ! Nous sommes loin du zapping de la mode et des accessoires donc oui évidemment ce type de produits nécessite une gestion particulière et adaptée.
Pourrait-on dire que dans les maisons ou marques de Haute Joaillerie, l’articulation harmonieuse entre département créatif et département marketing soit impérative ? L’alliance management-création indispensable ?
Je suis bien placée pour savoir que le binôme management-création est un binôme indispensable, essentiel.
En effet, le directeur artistique est là pour créer, pour inventer, pour faire rêver, le Manager est là comme chef d’orchestre pour mettre le tout en musique et faire que les créations soient le plus en phase avec un marché, elles doivent arriver au bon moment, au bon prix, au bon endroit, avec la juste communication.
C’est un dialogue permanent qui doit s’instaurer entre le Créateur et le (ou les) Manager(s). Une partition à 4 mains.
Ce qui est primordial aussi, c’est la confiance qui doit se gagner et s’installer dans la durée
l’ISG Luxury Geneva est une école de commerce qui forme aux métiers du Marketing, de la Stratégie commerciale et de la Gestion de la marque et de l’entreprise.
Si vous deviez demain recruter un junior ou assistant Haute Joaillerie Brand Manager. Qu’attenteriez-vous de lui concrètement ? Ses connaissances, son caractère, sa personnalité ? Que doit-il savoir ?
Tout d’abord, une sensibilité « produits » / un sens de l’esthétique. C’est très important et malheureusement ça ne s’apprend pas en claquant des doigts. Il faut évidemment avoir l’œil exercé, de la culture, un intérêt pour l’art et les métiers d’arts.
Ce qui implique des connaissances en matière d’histoire de l’art, de culture contemporaine et bien évidemment l’histoire de la Joaillerie. Une parfaite connaissance du marché actuel (les marques, les jeunes créateurs, les composantes du marché retail, les challenges du secteur …) est également indispensable.
Difficile de mettre dans une case en termes de caractère / personnalité, ce que je peux dire c’est qu’il faut que la personne, outre son sens du raffinement (et sens de l’esthétique) doit pouvoir mener à bien des projets (sens de l’organisation, du timing), qu’elle ait un très bon relationnel surtout avec les équipes créatives. Il faut donc une personne assez flexible et adaptable, en effet. On ne travaille pas de la même manière avec des créatifs qu’avec les autres composantes des organisations joaillières (marketing, production, communication ou encore finance).
Vous concevez aujourd’hui le contenu de trois années de programmes Bachelor Haute Joaillerie Brand Management de l’ISG Luxury Geneva : qu’est-ce qui vous semble naturel, évident ? Difficile ?
L’exercice consiste à apprendre aux élèves à apprendre à savoir faire. Ce qui parait naturel, c’est de leur donner les bases du marché de la Joaillerie, un vernis culturel sur son histoire à travers les âges.
Je prévois également une partie sur les différentes méthodologies de gestion et de présentation. Je trouve qu’on n’apprend pas assez à nos enfants / élèves à structurer leur pensée, à bâtir une réflexion, à présenter, exprimer aussi leurs idées à l’oral lors d’une réunion de travail ou de validation avec la direction.
Dans ce bachelor nous tenterons également d’aborder le sujet crucial de la relation entre Direction Artistique et Direction Générale.
Ce qui va qui va être plus difficile est l’articulation de toutes les thématiques à aborder tout au long des 3 ans. Quelle sera la chronologie ? Quels sujets faudra-t-il approfondir ? Comment rendre ce bachelor le plus pratique possible ?
Quelles sont vos marques de Haute Joaillerie préférées ?
Je suis une inconditionnelle des créations de Victoire de Castellane mais je ne suis certainement pas objective !
Hormis JAR ( Joel Arthur Rosenthal ) qui est un grand nom très confidentiel de la Place Vendôme, qui a su créer une joaillerie créative avec un savoir-faire exceptionnel, je suis plutôt attirée par des marques plus confidentielles comme Buccelatti ou Repossi ou de jeunes créateurs comme Prasi, Nikos Koulis, Lito, selim Mouzanar ou encore Ana Khouri.
Quels sont vos projets professionnels aujourd’hui ?
Je travaille en indépendant pour conseiller des marques (principalement des marques de joaillerie) sur leur stratégie Produits.
En parallèle, je travaille aussi, sur un projet entrepreneurial de création d’une marque de bijoux monoproduit. Un bijou que j’ai toujours rêvé de porter et que j’ai créé. Comme je ne sais pas faire de dessin technique, j’ai demandé à une amie de me faire une gouache de mon premier collier et c’est là que l’histoire a commencé.
Afin de susciter des vocations ou projets, c’est ce type d’histoires que nous allons raconter avec passion et développer tout au long de ces 3 années de Bachelor.